une inscription libyque

Il est possible que le site de Volubilis ait été occupé au néolithique, car il présentait toutes les caractéristiques d'un refuge naturel. Mais les vestiges préhistoriques comme les haches polies ou les meules recueillies dans les débris de fouilles sont peu nombreux et leur origine est incertaine. Volubilis est sans doute restée longtemps une simple bourgade dans une contrée peuplée de Maures (appelés aussi Berbères). Leur langue nous est inconnue, et leur écriture, le libyque, n'a pu être déchiffrée. Certaines des inscriptions qu'ils nous ont laissées sont encore visibles au musée lapidaire de Volubilis. Mais la cité n'est pas pour autant restée à l'écart des influences des grandes civilisations méditerranéennes. Après les Phéniciens, les Carthaginois se sont en effet installés sur les côtes marocaines. Dès le IIIe siècle avant notre ère, Volubilis avait ainsi partiellement adopté la langue et les institutions puniques diffusées à partir des comptoirs côtiers. Les premiers rois maurétaniens ont participé aux luttes qui ont opposé Rome et Carthage pour le contrôle de la Méditerranée. La victoire de Rome lui a permis d'étendre peu à peu son hégémonie sur l'Espagne et l'Afrique du Nord.

buste présumé de JubaII

En 33 av. J.-C., Octave fit administrer directement le royaume maurétanien resté sans souverain et entreprit de fonder des colonies de vétérans dans le nord du Maroc. Quelques années plus tard, il plaça à la tête du royaume maurétanien Juba II, un Africain élévé à Rome. Volubilis a peut-être accueilli un temps l'une de ses résidences royales. La cité était alors protégée d'une enceinte de briques crues et dotée de plusieurs monuments religieux. Mais l'influence carthaginoise n'avait pas pour autant disparu: la ville était dirigée par des sufètes (nom donné à des magistrats de Carthage), et le néo-punique y était encore en usage dans les inscriptions.

monnaie représentant la reine Cléopâtre Séléné, fille de la Grande Cléopâtre et épouse de Juba II. La légende est en grec.

Juba II régna 48 ans (de -25 à 23), aidant les Romains à réprimer les révoltes numides. Son fils Ptolémée lui succéda avec le titre de "roi allié et ami de Rome". Mais il fut assassiné en 40 par l'empereur Caligula. Ainsi prenait fin l'indépendance fictive du royaume maurétanien. La romanisation de la cité, déjà largement entamée, allait marquer la ville de son empreinte durant près de deux siècles et demi.

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L'assassinat du roi maurétanien Ptolémée provoqua une révolte des tribus dirigée par un affranchi de Ptolémée, Aedemon. Trois légions romaines appuyées par des auxiliaires, soit une vingtaine de milliers d'hommes, furent mobilisées pour venir à bout de la résistance. Les Volubilitains se rangèrent aux côtés des légions romaines et durent subir de lourdes pertes dans ce conflit, sans que l'on sache si la ville même fut attaquée. Vers 42 ou 43, l'empereur Claude divisa l'ancien royaume de Maurétanie en deux: la partie occidentale devint la Maurétanie tingitane (du nom de Tingi, Tanger) et la partie orientale constitua la Maurétanie césarienne, avec Caesarea comme capitale. Rome régnait désormais sans partage sur toute l'Afrique du Nord.
Vers 44, L'empereur Claude, en récompense du soutien des Volubilitains, accorda à la cité le statut de municipe et à ses habitants le droit de citoyenneté. La stèle dite du fils de Bostar, visible sur le forum, détaille le contenu de cette faveur impériale. Située aux limites sud de la province, Volubilis devenait de fait l'élément le plus avancé du dispositif de défense romain face aux tribus semi-nomades. Protégée par trois camps et un réseau de tours de guet, elle était reliée par une piste à Tingi, porte d'entrée et capitale de la Tingitane. La ville connut alors un nouvel essor lié à la mise en valeur de son arrière-pays. L'élite locale conserva sa suprématie en accaparant les nouvelles institutions copiées sur le modèle romain.

Une nouvelle trame urbaine se mit en place. Dès le Ier siècle, un nouveau quartier se développa au nord-est de la ville pour accueillir les demeures des riches propriétaires fonciers. Un aqueduc permit d'alimenter de nouveaux thermes et des fontaines. Peu à peu, le centre se dota de grands monuments publics. Basilique, forum, capitole et arc de triomphe étaient en place au début du IIIe siècle, témoignant de la puissance de la civilisation romaine et de la prospérité de la ville.

Mais à la fin du IIIe siècle, l'Afrique du Nord subit les contrecoups de la crise qui frappait l'empire, miné par les guerres civiles et les invasions germaniques. L'empereur Dioclétien décida de redéployer l'ensemble de ses forces armées. Vers 285, fonctionnaires et soldats quittèrent probablement Volubilis pour se replier sur Tingi et les villes côtières. Dans la province réduite au Nord du Maroc, la cité se retrouva isolée et abandonnée à ses propres forces.

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carte de la Maurétanie tingitane romaine (PDF 57 ko)

l'inscription dite de Bostar (PDF 57 ko)
commentaire de l'inscription (PDF 51 ko)


Dans son aire désormais réduite, Volubilis conserve toutefois des institutions, maintient des relations commerciales. Jusqu'au début du Ve siècle, la ville continue d'être habitée car la population, romanisée mais majoritairement d'origine maure, n'avait aucune raison de suivre les Romains dans leur retrait. Peu à peu, le mode de vie romain fait place à une nouvelle organisation. Le plan des maisons est remanié, la trame urbaine modifiée.

canalisation réalisée avec des pierres de remploi

Au VIe siècle, alors que l'aqueduc n'est plus en fonctionnement depuis longtemps, la population se réfugie à l'ouest, se rapprochant ainsi de l'oued. La ville réduite se protège derrière une nouvelle enceinte. Les anciens quartiers sont utilisés comme sources de matériaux et servent de nécropoles. Quelques inscriptions tardives laissent penser qu'une communauté chrétienne issue de l'Oranie voisine utilise encore le latin. Mais l'évolution de la ville reste difficile à cerner. Le quartier ouest et les vestiges tardifs n'ont en effet guère suscité l'intérêt des premiers chercheurs. L'histoire de ces "siècles obscurs" reste donc à écrire.



Les conquêtes arabes de la fin du VIIe siècle vont sceller le destin de la ville. A la suite du raid d'Oqba en 681, l'islam se répand dans tout le Maghreb. Les Abbassides vainqueurs des Ommeyades en Orient installent une garnison à Volubilis. En 789, Idris, un descendant d'Ali, le gendre du Prophète, s'enfuit d'Orient pour échapper aux persécutions abbassides. Il s'installe à Volubilis, devenue Oualila en arabe. Les Aouraba, une tribu qui avait trouvé refuge dans la région, le proclament bientôt souverain. La cité et le monastère fortifié de Moulay Idris tout proche servent de base aux conquêtes du souverain, qui fonde ainsi la première dynastie de l'histoire du Maroc. Idris meurt en 791, peut-être empoisonné par un émissaire du Calife Haroun er Rachid. Son fils lui succède sous le nom d'Idris II et crée sa propre capitale à Fès en 808. Dix ans plus tard, Volubilis accueille des Andalous chassés de Cordoue. Ceux-ci s'installent en bordure de l'oued Khoumane, hors de l'enceinte primitive. Les anciens quartiers romains continuent d'être utilisés comme sources de matériaux et nécropoles. Supplantée par Fès, capitale d'Idris II, la ville survit peut-être jusqu'au XIIe siècle avant de disparaître des mémoires.


dessin de l'arc par Von Augustin (1830)

Les ruines de Volubilis ne sortent de l'oubli qu'au XVIIIe siècle. En 1750 paraît à Londres une gravure représentant "les ruines d'une ancienne construction romaine, à six lieues de Meknès". Il s'agit de l'arc de triomphe de Volubilis, dessiné par un certain Henri Boyde, capitaine anglais capturé par les corsaires de Salé et prisonnier du sultan Moulay Ismaïl. Ce captif est racheté en 1721 par une mission anglaise dont fait partie John Windus, qui à son tour dessine les restes de l'arc de triomphe et de la basilique. Plus tard, en 1830, Von Augustin, un baron autrichien, prend quelques croquis des ruines. Entre temps, le tremblement de terre de Lisbonne de 1755 avait provoqué l'effondrement des quelques verstiges qui émergeaient encore du sol. Puis vers la fin du XIXe siècle, ce sont deux diplomates français, Charles Tissot et Henri de la Martinière qui prospectent le site, relevant de nombreuses inscriptions latines.

la basilique dans les années 20

Cette première campagne de fouilles s'intensifie sous le Protectorat français. En 1915, le Maréchal Lyautey fait établir un camp de prisonniers allemands sur le site. Ceux-ci procèdent aux premiers travaux de dégagement autour de l'arc et de la basilique. En octobre 1915, la conduite des fouilles est confiée à Louis Chatelain, premier chef du Service des Antiquités du Maroc. Le site est alors un immense éboulis de pierres envahi par la végétation.
Après le centre monumental, c'est le quartier nord-est qui est à son tour prospecté dans les Années 30 sous la direction de Raymond Thouvenot. Au lendemain de l'indépendance, les archéologues et historiens marocains prennent la relève d'une longue liste de chercheurs. En collaboration avec des équipes étrangères, Ils se consacrent davantage au quartier tardif, délaissé par les premières fouilles. Actuellement, sur les 40 hectares du site occupés par une histoire presque millénaire, on estime que la moitié de l'espace reste encore ouvert aux appétits des archéologues.